Incertitude

 Incertitude





C’est le sujet sur lequel Gabrielle a composé pour le concours général de Philosophie, la semaine passée.

Ce fut l’occasion de me remémorer le plan que j’avais adopté moi-même lorsque je fus confronté, élève de terminale A2 au même sujet et d’échanger naturellement avec Gabrielle sur son ressenti à l’issue de l’épreuve, mais aussi de questionner ma pratique à ma table de jeu de rôle.


Depuis bientôt quatre ans, j’ai choisi de jouer avec mes enfants dans l’univers de Millevaux.

Choisir de se confronter à ses paradigmes régulièrement, (une partie hebdomadaire depuis lors), ne signifie pas pour autant d’adopter une procédure de jeu immuable.

Ceux qui me font l’honneur de suivre mes compte-rendus auront noté que je change régulièrement de système de résolution et parfois de système de jeu.

Sous des dehors d’inconstance, d’accidents de parcours répétés à l’envi, nous avons néanmoins, j’estime abordé ces paradigmes dans les meilleures conditions qui nous étaient offertes.

D’aucuns pourraient objecter nous dilapidons notre énergie à tenter d’embrasser une diversité de pratiques sans cesse renouvelées. D’une certaine manière, je ne peux que leur donner raison. 


Chaque session est précédée d’un échange au cours duquel j’offre la possibilité aux joueuses du jour de choisir à tout le moins le système de résolution entre deux ou trois selon les attentes que nous avons définies en commun en nous remémorant la session précédente. 

Souvent, nous revisitions les souvenirs que nous détenons individuellement afin de définir ensemble une vision commune. 

Sur la base de celle-ci, nous définissons alors ce que nous aimerions éprouver à la table en termes de sensations, de développe

ment de notre fiction commune, ou de procédures à dispositions pour l’envisager ensuite in vivo. C’est une pratique chronophage et qui parfois réduit notre temps de jeu. Pour autant, en redéfinissant ainsi à chaque rencontre l’objet de celle-ci, nous nous assurons de poursuivre le même but.


Ces discussions préalables ont notamment permis à Alexane de concevoir sa vision de Millevaux, La Forêt des Chimères, qui nourrit depuis quelques mois notre pratique.


Mais plus concrètement, elles me permettent de me maintenir dans une posture, ou ma préparation non préparation se trouve toujours contenue par les attentes qui seront exprimées lors de ce premier tour de table.


J’ai appris à réduire cette phase. Xavier, est inconstant dans ses choix et ses attentes. Parfois, pour d’obscures raisons, ou des raisons triviales, (je l’ai gourmandé pour ne pas avoir rangé sa chambre), se trouve dans une disposition d’esprit peu propice à un jeu en commun. Une préparation pour un jeu à trois joueuses alors que nous ne sommes plus que deux après un quart d’heure de discussion se révèle alors une perte de temps ou à tout le moins un contretemps. 

Parfois, ce sont mes propositions qui se sont révélées toutes les trois inadéquates et nous revenons à une situation, une procédure antérieure qui convient mieux à la table. 


Désormais, ma préparation non préparation consiste en une série de lectures, de vagabondages, de photographies accompagnées de notes souvent informelles qui formeront l’ossature de ma proposition. 


Ainsi, dans l’incertitude des attentes non formulées, nous tenons au seuil de la discussion.

Nous conjuguons notre incertitude au présent.


Le terme de discussion est souvent le terme retenu pour définir la pratique à laquelle nous consacrons tant de temps. C’est l’un des traits communs de la scène du renouveau du jeu à l’ancienne.

Cette mouvance partage l’habitude de favoriser l’émergence, y compris de celle de la règle maison.


Notre pratique y participe. Nous hybridons les propositions de divers auteures afin qu’elles correspondent le plus étroitement à nos attentes.

Toutefois, nous ne jouons pas le plus souvent, respectueusement, la règle édictée par l’auteure. Nous sacrifions à notre fiction, à nos émotions le respect dû à celle-ci.

Sans doute avons-nous négligé, à mauvais escient, des pistes proposées, pour nous nous réfugier dans le confort de notre pratique habituelle.

De fait, et malgré la pluralité des intervenants, (Mathieu et Gabrielle ne sont plus des joueuses habituelles à notre table) s’est instaurée une tonalité propre à la table, qui par en certaines occasions édulcorent le jeu auquel nous nous essayons, (cela notamment été le cas pour Echo).

C’est là le premier travers.

Ce dernier pourrait se renforcer avec l’adoption de « hacks », chers au mouvement OSR.

Je dirais qu’ici, au contraire, nous n’en retenons que la force principale qui pourra innerver notre pratique. Les propositions les plus novatrices prennent alors à mon sens plus de relief, elles ne sont teintées que par la couleur que leur confère notre fiction habituelle.


Au stade artisanal de la créativité, de procédures de jeu, la pratique que je viens de décrire devient une force. Elle permet en amont de dégager les principes forts qui permettront de mettre en jeu l’idée. Le processus sera nécessairement pertinent. 


En somme, l’incertitude est devenue ma boussole.


Elle guide ma pratique avec constance.


Et vous comment fleurettez-vous avec l’incertitude ?





Commentaires

  1. Un grand merci pour ce retour d'expérience ! Je le mentionnerai dans l'article sur vos actual play qui paraîtra prochainement. Pour ma part, l'incertitude est en ce moment synonyme du contexte mouvant actual. Les écoles viennent de fermer, et je me retrouve à annuler ou reporter trois campagnes que j'avais en cours. Voilà maintenant un an que nous sommes dans cet état de fragilité de nos projets et ambitions ludiques. Cela invite à lâcher prise de la volonté de "terminer" les choses en tant et en heure, au carpe diem de nos parties et au plaisir de se retrouver autour d'une fiction partagée une fois la tempête passée. C'est déjà ce qui avait alimenté mon propos dans le podcast "la gestion de l'imprévu" : https://www.youtube.com/watch?v=21fvHwpF4Do

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