Quatre de Péril, L’amitié déçue corrompt le cœur du ciel

Quatre de Péril,

L’amitié déçue

corrompt le cœur du ciel



Cette après-midi, avec Alexane et Xavier nous avons joué avec Khata un nouveau mirage.

Lors de la phase de préparation de la session, nous avons envisagé d’intégrer Khata et plus largement notre vision de Mildiou dans le cadre offert par Félix Beroud, Le Mur dans l’âme.

Xavier a émis le souhait de conserver le système de résolution de Khata plutôt que d’adopter celui d’Inflorenza Sei.

Nous nous sommes également interrogés sur l’opportunité d’adopter le principe de la carte vide.

Alexane et Xavier ont émis le souhait de conserver notre modus vivendi.

Nous avons défini nos attaches selon les thèmes du théâtre.

Nous n’avons rien dit aux autres de la nature des attaches ainsi retenues et nous les avons associées aux six tuiles piochées dans le jeu « Les Larmes du Soleil ».













à nouveau je dois souligner combien pour moi les clés sont porteuses et combien ces symboles sont évocateurs. Je disposais seulement d’une photographie, que j’avais simplement nommée « elle » et la volonté de jouer une jeune fille que le mirage modifierai. Les symboles que j’ai obtenus, et le questionnement qu’ils ont suscités ont défini Circé.


Nous avons mêlé les tuiles issues de notre préparations à celles non jouées lors de la dernière session et nous avons pioché les six tuiles qui ont étoffé nos personnages.



Effectif : trois joueuses.


Alexane jouait Azur

Xavier jouait Linéo.

Je jouais Circé.


Durée : fiction de 1h25, (rédaction de la phrase conclusive comprise, phase d’une dizaine de minutes), suivie d’un bilan de 15 minutes.

Voici le témoignage audio



Après une pause roborative et un temps de silence, j’ai ouvert la session sur une instance du Paradis des Libellules, ancrée aux abords de la Khata, au pied du Mur que longe une sente.


Extraits de la fiction :


Linéo marche attentif aux appels de la forêt bruissante. Ses sabots écrasent les coquilles de noisette semées là afin que les fougères n’envahissent pas trop vite la sente qui mène à Khersev.

Au loin, la petite Circé qui babille disparaît dans les frondes d’aubépines et de ronces.

Parmi les coquilles un œuf frais, dont la coquille se rompt et répand son blanc visqueux dans sa manche.



Un craquement singulier arrache Linéo à sa rêverie. C’est un Monsieur Biscuit fort mécontent que son glaçage et sa jambe aient été malmenés par un flâneur inattentif. De plus ledit promeneur se plaint que les autres le jugent inutile. Peut-être pas, mais dangereux sans aucun doute. Linéo se confond en excuses, qui redonnera son sucre et son lustre à Monsieur Biscuit.



Circé frotte une petite plume duveteuse sur le nez, non le bec de Azur.

- « Regarde ‘Ce que z’ai trouvé… Regarde moi ça ! C’est tout doux… tout doux. Tiens, tousse !

Ta vu ? sa satouille ! Non ? Sa satouille pas ? Sa satouille pas ? Ah sa te satouille pas pac’que t’a des plumes aussi ! C’est ça ? Et sur ton bec ça fait quoi ? On dit qu’t’a un nez ou on dit qu’t’a un bec ?  »

- « Un nez ! Bien oui, un nez.. »

- « Ah bon… Si j’te donne la première plume que j’ai trouvée. C’est la première plume du p’tit oiseau. Le p’tit oiseau et bien i’ fait cui cui et il a des secrets à te dire si je te donne cette plume. Tu me dires comment on se transforme… »

- « Eh bien je sais pas moi. »

-« Tu sais pas. »

- « Non. »

- « ça c’est sûr que t’as le secret et que tu veux me faire marner !. »

- « Non. »

- « Mais je te donnerai que la plume… D’accord ? »

- « Hum Hum »



Azur s’agite. Elle n’est manifestement pas à l’aise.


Circé se réfugie dans les broussailles. L’une des branches d’aubépine tire sur sa couronne et la fait presque choir.



- « Je te la donne ! » ajoute alors Circé sa voie rendue blanche par l’émotion.

Sa petite couronne de paille colorée gît de guingois sur sa chevelure. Les branches d’aubépine semblent vouloir lui voler.

- « Et tu me dis alors...le secret qui me permettra de devenir une grande euh comme toi »

- « Je sais pas moi. » lui répond embarrassé d’un rire de gêne Azur.

- « Grand...Grande, moi z’aimerais bien devenir grand...Pa’ce que j’ai des roploplos, mais j’veux dev’nir comme toi ! Et pouvoir m’envoler d’ici ! Comme un oiseau, un oiseau avec des ailes ! Qui vol’rait dans l’beau ciel ! Sans nuazes… loin d’ici … Tu me donnerais toi, la clé des nuages ? »

Azur rit émue, touchée par la candeur de Circé.

- « Moi je t’assure de mon amitié sincère...Tu sais celle qui vient des tréfonds du cœur ; celle qui fait mal quand on la tord...Alors moi je te le dis, à la vie à la mort ! D’accord ? »

- « Euh...Je .... »

- « Je ne fais que passer. » dit d’un ton mi badin mi amusé Linéo en se faufilant entre elles.

- « Euh... »

Linéo s’éloigne un peu gêné de s’être immiscé dans l’intimité des deux jeunes filles.

Circé enserre dans ses petits bras Azur et ajoute :

- « Tu me le diras ce secret ....Peut-être attendra tu que la nuit soit faite… Et pis on écoutera sous le toi… quant la pluie elle tombe sur le toit...Et que nous on est à l’intérieur et qu’on se réchauffe et qu’on a pas la trouille de se faire bouffer de spores… Quand on est bien sous l’édredon, qu’y fait froid dehors, qu’y fait humide et qu’on est tous ensemble et qu’on se tient la main pac’qu’on est tous des copains…. Hein, même ceux-ce qu’y veulent pas ». Elle saisit alors fermement la main de Linéo tout surprit qui maugrée, se récrie et tente vainement d’échapper à cette amitié envahissante en s’agitant vainement sur le lit moelleux.

« On est tous ensemble et on se réchauffe. On écoute la pluie qui tombe. T’aime pas la pluie, toi, qui tombe ? Pourquoi ? Pac’que elle t’empêche de voler ? ».

- « Oui... »

- « De déployer tes ailes ? Montre moi tes ailes ! ».

Azur amusée déploie ses ailes et tourne sur elle-même.

- « J’peux toucher tes ailes ? Je les mettrais pas en désordre. J’suis pas un chat qui joue avec l’oiseau. Et je chasserai les chats quand y s’approcheront la prochaine fois? ».

- « Vas-y... »

- « Promis... » Elle crache dans sa petite main et la presse dans celle d’Azur qui rigole, un peu dégoûtée tout de même.

- « Quand tu ris derrière ton masque d’oiseau, je voix l’enfant que tu es ! Je vois une amie. Je te dis mon nom. Mon nom c’est Circé et lorsque les chimères viendront pour voler ta vie tu pourras appeler Circé et alors elle viendra te protéger. J’viendrai ave’ tous mes pouvoirs !


Elle minaude, presse Azur d’accepter son présent en gage de leur amitié indéfectible.

Lorsque la mort la menacera, Circé lui promet qu’elle pourra l’appeler au secours et qu’elle la repoussera sa puissance.



Linéo sort de son étui son piano. Ce dernier déploie ses pattes velues et ronronne d’aise, puis s’installe dans la clairière, près de la marre. Il ouvre son dos et offre ses touches d’ivoire et de ténèbres. Il ouvre grand sa gueule et donne à contempler tout le cuivre de sa table d’harmonie où sont tendues ses cordes, de toute la force de son âme, qui accrochent les rayons du soleil qui se fraient un passage à travers les nuages. Il sourit de toutes ses dents, noires et blanches. Bientôt on entend plus que son cri. Chaque accord estompe la forêt, chaque résonance dessine des couleurs insoupçonnables. Des fleurs naissent dans la clairière.

Elles vivent une vie fugace. Magnifiques, elles poussent, oscillent sous le vent. Sur la table vibrent quelques vieilles coquilles de noisette. Sur l’épaule du piano surgit une petite silhouette aux grandes oreilles qui se dresse et écoute attentivement le récital impromptu donné au cœur de Forêt.


Devant lui deux cerisiers se font la cour. Le plus jeune tend hardiment une branche aventureuse vers son amant, couverte de fleurs. Et l’autre en retour tend lui aussi une branche, isolée grêle sur sa longueur et fleurie, offrant en retour son amour.


Dans la clairière se répand l’odeur entêtante des fleurs de cerisiers qui vient à masquer celle de l’humus et des champignons. Quelques butineuses viennent se poser sur les fleurs. Elles viennent jouer dans les cheveux du pianiste et dans ceux d’Azur. Elle se posent sur ses plumes, sont bec.



Un toux grasse vient interrompre le ballet bourdonnant et plaisant des butineuses.

- « C’est pas un jeu très canonique ce c’là !», s’étrangle en ravalant un glaviot un vieux bonhomme à la peau fripée et ridée de mille plis ombreux, comme s’il était fait de vieux papier photographique froissé. Ses énormes lunettes reposent de guingois sur son visage et la correction achève de travestir en grotesque son visage rongé par les ans.

Il est assis sur une vieille chaise de plastoc qui grince pour accompagner le moindre de ses mouvements.

- « Et tu compte à toi seul repousser La Forêt qui Avance ?» grince-t-il encore.

- « Vous ne voyez pas que je joue ?» lui rétorque irrité Linéo.

Acide le vieux rétorque « Et tes arpèges où vont-ils te mener comme cela ? A tu pensé aux mouches qui se pressent ? Aux moustiques qui vont venir nous piquer ?»

- « Laissez moi jouer tranquille, allez embêter quelqu’un d’autre » lui répond aussitôt imperturbable Linéo.

- « Ben vouhi, inévitablement quand ça pousse et bien ça vient manger tout ça ! Ça se délecte du nectar que la Forêt dépose. Tu es pour Mangrove ? C’est çà  ?»

- « Non !»

- « Tu es un membre de la loge élégiaque ? Ah tu peux plaquer tes arpèges qui marquent ton courroux, t’as été démasqué ! Démasqué !»

- « Z’êtes vraiment taré dis-donc !»

- « Tarés non mais !»

- « On n’a même plus l’droit d’jouer du piano tranquille !»

- « Bah, t’en joue assis, caché dans la forêt ! Comme si t’en avais honte de ton piano !»

- « Non c’est juste que tout le monde me chasse, personne ne veut de moi !»

- « Ah, tu convoques des choses sombres, bizarres autant qu’étranges ! Bizarres autant qu’étranges comme j’dis. T’y viendrait-y l’idée de pianoter sur mes dents ? Hein ?»

- « Non !»

- « Eh, ben pourtant, ton pouvoir, il aurait quelque chose d’utile là !»

- « Excusez moi mais vous z’en avez plus de dents !»

- « Eh ben c’est bien ça l’problème !»

- « Comment voulez vous que je pianote sur vos dents si vous z’en avez plus ?»

- « Ah ben tu fais bien pousser des fleurs ! Fais pousser des choses utiles, des dents tiens ! Pour un vieux !»

- « J’suis pas magicien hein !»

- « Tout ce pain qu’on propose tous les jours qu’est trop dur !»

- « J’suis pas magicien ! J’suis pianiste !»

- « Du pain qu’on pourrait utiliser pour faire les murs des Bhaka ! Hein n’a-t-on pas honte ! Et tous les jours le même repas ! Du vieux pain sec ! Rien d’aut’ à manger ! Pas même une brioche à l’œuf battu ! Hein C’est toi qu’à man’zé la dernière ! J’tai vu marcher sur l’œuf !»

- « Z’avez qu’à pas l’met’ par terre !»

- « Bah j’l’ai pas mis par terre !»

- « L’était par terre !»

- « Non !»

- « J’l’ai posé sur la table, je me souviens très bien !»

Ricanant - « J’ai pas marché sur la table, excusez-moi !»

- « Ah Non ? Et pourquoi tu t’tiens au’d’sus d’la table, là ?»

- « Eh ?»

- « Pourquoi tu pianotes sur la table de la bhaka ? Hein ?»

- « C’est pas une table, c’est une chaise !»


Derrière son masque, Azur roule des yeux effarés.


- « J’comptais même plus jouer !»


(.../...)


33’15’’


Commentaire :


J’ai beaucoup apprécié la poésie poignante qui s’est dégagée par moment de cette fiction. Un bel équilibre s’est maintenu entre la candeur d’une enfance fantasmée dans une forêt oppressante et pleine de dangers. Le vertige logique s’est rapidement mêlé de la partie et a renforcé les contrastes entre la candeur de la Circé et elle même s’engluant à sa perte dans la tourbière du Ruisselant sous le regard impuissant de Linéo et l’indifférence ( ?) d’Azur.


Nous avons obtenu une belle strophe conclusive, (la quatrième sur les 7 phrases dont nous disposerons pour la résolution de l’arc narratif d’Ouroc) :

L’amitié déçue corrompt le cœur du Ciel,


Son amour pleut sur le Monde.


Les premières plumes de Liberté


Donnent des ailes aux écureuils


Et leur dérobe leur raison, 

Ainsi se répand la contagion. 







Alexane et Xavier ont été ravi de cette session et son conquis par les fondamentaux du théâtre.






Quoique nous n’ayons pas recouru aux mécanismes bien huilés d’Inflorenza cette session a vu émerger des conflits, de la peur et nous a permis de nous attacher aux trois personnages.

Nous avons convenu que la prochaine session serait consacrée à l’exploration de la relation entre Azur et Linéo.


Azur est membre du bataillon, de l’escadrille des ois’femmes, chargée pour son vol inaugural qui l’inquiète tant d’éliminer Le Maudit, un sorcier qui déploie la forêt à l’aide de son piano infernal. Elle préssent confusément qu’il s’agit de son ami d’enfance Linéo, corrompu par Mangrove.


L’idée est de déployer des souvenirs de leur enfance commune qui seraient susceptibles d’ébranler la résolution patriotique d’Azur.















Commentaires

  1. Un grand merci pour ce retour !

    A. Le texte est particulièrement long et précis. Tu as retranscris fidèlement ce qui était dit à l'oral ?

    B. - « Ah ben tu fais bien pousser des fleurs ! Fais pousser des choses utiles, des dents tiens ! Pour un vieux !»

    J'adore :)

    C. J'ai pas encore lu le théâtre de kF. Crois-tu qu'il soit bien restitué dans votre partie ?

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    1. B. Xavier ne s'y attendait pas du tout.
      Un grand moment de vertige logique

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  2. A. Oui pour deux scènes.
    C. Je ne connais pas le manga, Xavier et Alexane eux en connaissent certains aspects. Le théâtre en lui-même propose des thèmes que nous avons utilisés pour servir nos six attaches. Nous avons lu ensemble attentivement les principes primordiaux. Nous avons établis les correspondances avec le cadre de Mildiou, notamment les 3 déités horlas présentes, Mangrove, la Sorcière, Le destructeur Vijh et La Putréfaction, Karum Akr Nord, que j'ai nommé Le Ruisselant.
    La Cité est celle de Kiev Terrapolis Le bataillon est la milice ouroc. Je pense que nous avons effectivement joué avec le théâtre. Toutefois dans cette unique session nous sommes restés loin de la Cité pour demeurer aux pieds du mur au cœur de la forêt. La prochaine session devrait mettre en avant le bataillon au travers de l'escadrille et mettre en jeu le thème de lutte contre la contagion. Donc je pense pouvoir dire oui, Félix pourra le cas échéant indiquer l'éloignement que nous aurions marqué.

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  3. Commentaire après écoute :

    D. Hé hé sympa la ref aux anges bizarres :)

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    1. J'apprécie de relier la fiction qui se tisse au présent à la table aux archetypes des personnages que jouent Alexane et Xavier et établir des liens avec les jeux qui disent quelque chose d'eux

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    2. Je poste ce commentaire ne le voyant plus apparaître dans le fil de discussion, erreur de manipulation ?
      Pikathulhu a ajouté un nouveau commentaire sur votre article "Vingt-sept de Marche, Nos amitiés rongent nos entr..." :

      Mes commentaires après écoute !

      C. La musique d’intro me fait penser à « Lullabies », ces ballades d’Asie du Sud-Est mentionnées dans la playlist de Little Hô : https://lescartespostalessonores.bandcamp.com/album/bunong-lullabies

      D. Super revoyotte de Xavier à partir de l’objet mémoriel fleuret !

      E. J’aime bien la téléportation de Ryu dans la salle à manger, sans explication méta, avec Xavier qui joue l’impact en demandant « Qu’est-ce que je fais là ? ». ça relève d’une grande connivence et/ou d’un usage judicieux de supports visuels

      F. Beau champ lexical végétal dans ta description de milieu de partie

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    3. C. J'aime beaucoup cet album et je l'ai utilisé à notre approche de Little Hô Chi Minh Ville.
      Ici il s'agit d'un album collaboratif de David Fenech et Klimperei.
      Une enfilade de perles !

      https://davidfenechklimperei.bandcamp.com/album/rainbow-de-nuit

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    4. D. Une marotte imaginée entre deux sessions par Xavier.
      E. Celui qui est le pays des libellules signale le changement de décor en cachant son visage dans ses mains et en se projetant brièvement dans les nuages.

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