Autour des ombres

 Autour des ombres






Autour de moi, tout s’agite. Les cris, les heurts assaillent mes tympans. Parfois je m’isole sous mon casque. Cela m’est agréable. Mais très vite, les autres me sollicitent. Les télévisions mêlent les cris de misère du monde aux crissements et craquements des calandres des automobiles qui bondissent sur le ralentisseur.

Monsieur le Président dit à tout le monde ce qu’il convient de faire. Son visage est assombri par des taches. La lumière n’est pas vraiment sur lui. Elle tombe de côté, comme si elle ruisselait sur son visage jauni par le maquillage. Il articule bien, mais je ne l’écoute pas. Je pense à mon bateau. Les grands l’écoutent, lui. Moi je m’égosille, je dois quémander ma part de silence entre les phrases des autres. Quand enfin vient mon tour, j’ai oublié ce que je voulais dire, ou les mots se bousculent pêle-mêle, ou bien encore personne ne comprend le rapport tellement j’ai attendu.

Bientôt, je le mettrai à l’eau, à nouveau. Et cette fois, aucun canard ne viendra le chavirer. Il aura un nouveau mat, une nouvelle voile. Mon téléphone vibre.

Mais je suis déjà sur le rocher, au bord de l’eau. Ma chaussure glisse un peu. L’eau est turbide. Je ne voudrais pas y tomber. Mon bel esquif s’éloigne sur l’onde, vers les ténèbres du bois. Ici, c’est plein d’ombres qui dansent et cacheraient presque les libellules. Plus loin, de gros boudins de plastique noirs obstruent le regard ou s’engouffre La Brèche. Je suis mon beau bateau. Il flotte correctement et ici il n’y a pas de jard prêt à déployer ses ailes pour repousser la voile qui pénètre sur son territoire.



Un ragondin s’approche de sa démarche précipitée. Il renifle le bout de ma chaussure. Il se frotte à moi, tout ruisselant. Ma jambe de pantalon est toute détrempée ; Peut-être s’attend-il à ce que je lui donne à manger. Les libellules se sont éloignées. Mon navire à disparu derrière un amas de branches emmêlées. Je m’approche, écarte les ronces en dissimulant mes mains à l’intérieur de mes manches. Dans la pénombre au pied de l’arbre, entre ses racines émergées, il y a un creux, comme un terrier. Serait-ce la tanière du ragondin ?

Les ombres grandissent. Je sens la fraîcheur de l'eau qui remonte vers moi. 

Je frissonne. Le ciel semble avalé par un crépuscule. 

J'ai peur. 

Je reviens sur mes pas précipitamment. 

Je laisse derrière moi les ombres qui dansent sous les halliers touffus. Le tronc clair, très pâle a une couronne de feuilles sur sa cimes, comme un vieux monsieur un peu sévère. 




Grasse nuit.

Tout autour, ce sont les lumières vives de la fête. 

Je suis à une soirée. 

Je ne sais plus qui m'a invité. 

Des gens dansent tout autour de moi. 

Devant moi, dans l'ombre que projette l'escalier, il y a un piano droit. 

Je m'assoie sur le siège. J'ôte le feute qui protège les touches. 

La playlist a bogué ou le DJ est cramé

Un silence. 

J'en profite c'est mon tour. 

Mes doigts suivent leurs ombres qui coulent sur les touches. C'est fluide. 

Boris, un copain me rejoint et m'accompagnre à la trompette. 

C'est chouette. 

Je sens les regards braqués sur nous. 

J'ai pas peur, mes doigts dansent sur les ombres. 

Notre musique est douce. 

C'est cool. C'est trop cool. 

Un chat grimpe sur le piano et m'obseve en ronronnant. 

Je suis bien. 

Soudain, au pont, alors que Bekir nous rejoint à la guitare des éclats de voix montent au salon. 

Autour de moi, tout s'agite. 

Les cris, les heurts assaillent mes tympans. 

Des crissements sur le parquet, un bruit sourd, des hurlements : ça se bat vraiment ici et maintenant. 

Les gens s'agitent, courent dans tous les sens, fuient l'affrontement. 

Une masse noire luisante se coule vers moi et mes ombres. Je suis tout mou, je dégouline de peur. Sa gueule immense déborde de crocs démesurés, une grande griffe qui prolonge l'un de ses bras dessine un grand sourire entre mon cou et mon ventre. Douleur, vertige, dans un arrachement atroce mes tripes se répandent avec un bruit spongieux sur le parquet. 

Je me réveille en hurlant de mon cauchemar et avec moi toute la chambrée. 

Par la fenêtre je vois se balancer le vieille arbre mort qui veut me consoler. 

Il a comme un sourire vertical de sève qui s'écoule depuis ses hautes branches jusqu'à son pagne de buissons. 



Voici la bo de la fête par Xavier avec Groove Pad

Merci À Xavier. 

Commentaires

Articles les plus consultés