Rédemption

 

Rédemption




Limbe première carcasse



Au soir du mercredi dix-sept juillet, avec Valentin et Xavier nous avons joué la suite de notre campagne de Marchebranche. Toutefois, pour cette session, et la suivante, nous jouons avec

Cimetière

Chevalerie désespérée dans les ruines agonisantes de Laurium

de kF.



En initiant cette campagne de Marchebranche, je me suis résolu à jouer à la dérive et que les envies de la tablée nous guident. La tonalité de clair obscur s’est imposée.

Toutefois, certains traits des marchebranches s’opposent radicalement à leur vocation.

Comment Machefeuille, ci-devant furet, ignore-t-il sa nature carnivore ?

Quelle est la nature de la faim inextinguible qui dévore Limbe ?

Pourquoi et comment ont-ils renoncé à leur nature première ?

La réponse doit être apportée dans un cadre où domine l’obscur. Un lieu où le chemin sinue entre le renoncement et la rédemption, le triomphe et la souffrance. La puissance, que détiennent alors Machefeuille et Limbe, ne doit pas leur être confisquée s’ils entrent en conflit, mais leurs souffrances disparaître s’ils renoncent à la première.

Un lieu s’impose alors : les forêt limbiques, Mais le lieu ne suffit pas pour conférer la grandeur à la chute ou l’ascension que j’imagine. Un temps, ou un autre mode s’imposent ; un présent antérieur. Le syndrome de l’oubli demeure. Les souvenirs ressurgissent mais ne s’ancrent qu’à la seule condition de les vivre. Alors convoquons un présent teinté d’angoisse et d’horreur ou le passé ressurgit sans cesse pour noyer le présent :

Cimetière.





Je suis étranger à l’univers ludique de Dark Souls. Je dois confesser n’y avoir jamais joué. Toutefois, désormais, son imagerie vénéneuse me fascine. Je l’ai découverte au travers des témoignages audio livrés par kF, autour de sa tentative Cimetière, où se précipitent, pour mon régal, tous les paradigmes millevaliens. La démarche de kF est radicale, profondément ancrée dans la veine O.S.R., mais toujours préoccupée d’esthétique et profondément poétique. C’est pour moi un horizon plus que désirable.




La proposition s’articule autour de deux personnes, ici je demeure Confidence avec deux joueuses. Premier coup de canif à la magnifique proposition ludique de kF.

Avant de débuter la session proprement dite, Xavier et Valentin ont créé chacun une carcasse définie par son habilité, sa vigueur, sa volonté et sa classe.

Xavier a opté pour le Sauvageon avec la mutation scarabée tandis que Valentin a retenu un Angeverbe avec les mots des anges « lumière » et « révélation ».

Le dispositif est minimal.

La lumière est éteinte.

Sept bougies éclairent la pièce.

À chaque mort, une bougie sera étouffée sous sa cloche de verre.





La prière retentit, et non la chanson marche marchebranche interprétée par Thomas Munier. Puis des sons venus d’ailleurs, de Carcosa, (merci à Phantom of Truth), mêlés à la chanson d’une jeune fille sautant à la corde.



Tout est obscur. Limbe et Machefeuille émergent dans les limbes, leurs corps endoloris. Les couleurs les ont désertés. Tout est humide. Ils sont englués dans une boue noirâtre et visqueuse. Les sons se noient dans la brume vaporeuse du bois, et en l’absence de vent, domine une écœurante odeur de charogne. Leurs sens sont émoussés, amoindris, Caillou a disparu.





Bientôt, une frêle silhouette se glisse sous les arbres, alors que les deux compagnons s’extirpent péniblement de la boue. L’être diaphane les interpelle, puis éclate d’un rire noir tout en leur remémorant leur promesse : quérir le cœur blanc dans le domaine de Laurium. Elle leur dit qu’il ne reste plus rien ici, sinon de vagues cauchemars qui hantent les rares égarés qui errent en ces lieux et les morts qu’ils ont laissé sur leur chemin. Elle disparaît dans la brume aussi soudainement qu’elle leur est apparue.




Machefeuille discerne une vague senteur de camomille provenant du fossé, au pied d’un grand hêtre, non loin du chemin emprunté par l’apparition.

La boue le gratte atrocement. Sous la gangue puante, sa peau est pâle et flasque. Il se traîne vers la pièce d’eau. Une eau immobile. Aucun insecte ne bourdonne. L’idée lui vient de sonder cette mare, mais en fouillant l’humus, il observe et découvre sa main.

Une étrange tumeur pousse à sa dextre. Une singulière lueur la nimbe, scintille, pareille à cette curieuse fonge suintante qui dévore les souches moribondes. Une couleur, un fauvisme, un vague rouge. En l’effleurant, il plonge dans le souvenir de ce que fut ce lieu. La brume se lève, une libellule s’éloigne dans le ciel, les grenouilles s’ébattent sur la berge. Mais Limbe, trop vite, l’arrache à cette vision apaisante. Limbe lui assène un vigoureux coup de fémur sur le crâne. Le temps n’est pas celui du repos. Sa gueule béante est au-dessus de lui. Machefeuille cherche un instant son bâton, puis se ravise, et conclu pour lui-même que cette tumeur est son oripeau de Marchebranche. L’odeur infâme semble émaner du buisson d’où est surgie l’apparition, quoiqu’il ait pu douter que ce ne fut celle de son compagnon.

Limbe ressent la faim. Prudemment, il s’approche du buisson, l’os fermement serré en main. Machefeuille est sur ses talons. Un corps est adossé au hêtre, sa tête rejetée en arrière, la bouche grande ouverte, sa chevelure accrochée aux aspérités du troncs. Un craquement rompt le silence à coté de Limbe. Une immense silhouette se dresse tout près de lui. Il se retourne et donne un vigoureux coup dans l’air, tandis qu’une énorme main osseuse s’écrase sur sa mâchoire. Le goût du sang envahit sa bouche. Machefeuille est plongé dans un confus tumulte lumineux, puis aperçoit son compagnon, gisant au sol, devant une créature menaçante, qui se dandine sur de grandes jambes arquées vers l’arrière, telles les pattes d’un improbable insecte. L’immense sauterelle d’une main s’empare de la tête de Limbe, tandis qu’autour de la face de la chimère, s’agitent frénétiques, de courts tentacules.




Après que sa crainte première ait reflué, Machefeuille attire l’attention de la bête d’un ton hargneux et plein de morgue qui le surprend lui-même.

La main pareille à des serres soulève la tête toute menue de Limbe et l’arrache du sol d’un geste ample.

Limbe, regimbe, se cambre, se cabre et frappe à toute volée la face de la créature qui chancelle et titube. Le coup ébranle les muscles de Limbe. L’os s’est brisé sous la force de l’impacte. Avec hargne, Limbe enfonce l’esquille d’os le ventre de la créature. Machefeuille perçoit un son répugnant. La chair cède et les entrailles se répandent aux pieds de Limbe. La créature s’effondre dans un flots d’humeurs et viscères qui gorgent l’humus. Le corps est parcouru de puissants spasmes. Tout à sa rage et au plaisir de sa victoire, Limbe marche en triomphe sur le poitrail de la bête vaincue. Les os craquent avec un bruit sec.

Limbe tonitrue « le repas est servi ! »

« Quoi envisages-tu sérieusement de manger cela ? s’étonne Machefeuille. « L’odeur est répugnante »

« Quoi ? Nous sommes dans le domaine de Caillou. Ça vient de trépasser. C’est un horla. Ça pue ! Lui répond simplement le horsain. Tout comme moi ».

Machefeuille en reste pantois.

Un essaim de mouches dorées se pressent bourdonnantes et butinent allègres la dépouille de la bête.

46’26’’

Du furet qu’il connaissait, Limbe ne discerne plus que deux taches claires autour des yeux de l’homme élancé et musculeux qu’est désormais Machefeuille. Comme des cernes profondément inscrites dans son regard scrutateur. La plus singulière altération qu’ait connu son compagnon, est cette paire d’ailes noires duveteuses repliées dans son dos.




Machefeuille ne semble pas avoir conscience de sa condition.

Cependant Limbe l’interroge alors sur les changements qu’il observe. Il insiste et contre toute évidence, Machefeuille nie même avoir des ailes. Son instinct de furet lui dicte de trouver un refuge. Il se hisse sur la branche basse du hêtre qui couronne le chemin et qui ploie aussitôt dangereusement sous son poids.

« Tu n’es pas un furet ! » dit alors Limbe en détachant chaque syllabe afin que son compagnon accepte, enfin, l’évidence.

Ainsi suspendu, tandis que son ami le réprimande, Machefeuille perçoit une série de sifflements et de cliquettements qui lui glacent le sang. Alors, il se laisse retomber, convaincu que l’arbre ne le portera pas plus longtemps, et voit une, puis deux, puis trois, quatre, cinq, huit pattes velues sortir de la bouche ouverte de la femme gisant contre le tronc à quelques pas de lui Il s’éloigne en tâtonnant dans l’humus, l’œil rivé sur l’immonde araignée qui s’extraie de la bouche exsangue. Sa main s’empare de la lourde poignée d’une lame. Puis dans le prolongement de son mouvement il abat le cimeterre, fend le crâne, qui se fiche dans le tronc de l’arbre. L’arachnide s’éloigne prestement, toujours sifflante dardant sur lui tous ses yeux. Machefeuille tire sur la lame, impatient, sans parvenir à la dégager. Alors, comme à regret, il déploie ses immenses ailes et toutes ses forces puis retombe lestement sur son séant, l’arme enfin libre en ses mains. L’Angeverbe replie ses ailes. Machefeuille est face à Limbe qu’il domine de toute sa hauteur. Machefeuille parait aussi impressionnant, que la créature défaite par le petit Limbe, ce gamin décharné, efflanqué, famélique, vêtu de haillons malodorants, encore tout couvert de cette substance noirâtre, au visage troué d’une gueule béante nantie d’une rangée de dents démesurées.




« Qu’advient-il de nous ? » s’interroge Machefeuille

« Je te le dis, nous ne sommes plus en notre monde », lui répond dans un souffle excédé Limbe.

Machefeuille entend un craquement. Il perçoit une présence juste derrière lui.

Il déploie ses ailes, mais la gauche heurte quelque chose d’aussi inerte qu’un tronc.

Un liquide chaud, gluant s’insinue en ses plumes, les imbibe. Alors, dans un grand mouvement d’ailes, il s’élève et frappe de taille toute sa colère. Mais la créature s’est dérobée. Et Iel revient aussitôt sur lui. Limbe, lui, s’empare de l’esquille d’os. Mais, à sa plus grande surprise, du vide béant libéré par les viscères, surgit un épais tentacule qui l’enveloppe, le broie et l’attire à Iel. Avec la force du désespoir le horsain plante l’esquille aussi profondément que ses forces le lui permettent. La bête oscille, titube, mais l’autre tentacule darde vers lui. Avec bonheur, Machefeuille tranche d’un coup le lien qui retenait Limbe. Le moignon choit dans les herbes et s’agite convulsivement. Limbe se jette contre la bête et perce de son esquille dérisoire les chairs. Mais un bras robuste et indifférent le soulève par le fond de ses chausses, tandis que le second tentacule le ceinture pleinement et l’attire vers iel. Machefeuille prend son essor, et d’un ample mouvement du cimeterre, tranche la tête de la bête. Elle s’élève dans les airs puis retombe. Le corps s’effondre sur Limbe et tressaute furieux de n’avoir pu arracher ces si belles ailes qu’Iel convoitait. Limbe, péniblement s’extirpe de sous la monstrueuse carcasse et s’empare du cimeterre. Alors, Machefeuille perçoit à nouveau, très distinctement, le sinistre sifflement de tantôt, bientôt suivi de sa cohorte de cliquettements. Il arrache des mains du minot le cimeterre, en s’assure une garde ferme. L’araignée le fixe de ses yeux multiples, toute sifflante. Il s’élève dans les airs, tandis que le corps mutilé se relève et tente de l’agripper. Sa tête gargouille son sang depuis le sol, agitant furieusement sa couronne de tentacules. Limbe plonge sur l’araignée et la saisit à pleines mains. Sa puissante mâchoire se renferme sur l’abdomen, tandis que les pattes griffent convulsivement ses mains, ses joues. L’araignée s’agite encore quelque peu, tandis qu’un pus immonde se répand sur le visage de Limbe. Un goût amer emplit sa bouche. Un sifflement suraigu inonde la clairière. Tous, sinon Machefeuille, s’effondrent dans la boue. Le corps de Limbe est parcouru de violents spasmes. Sa bouche se déforme un peu plus pour engloutir sa proie et son jus. La peau de l’enfant semble se rétracter, ses veines saillent, ses dents toujours plus effilées s’enfoncent dans la chitine. La créature sans tête s’est effondrée comme une vieille souche. Un long moment s’est écoulé. Limbe se redresse enfin. Il est grandit. Sa peau est plus pâle, plus fine, couverte du sang mordoré de l’araignée. Il fixe de ses yeux noirs ceux de Machefeuille, sans avoir à redresser la tête, maintenant. Ses dents effilées et démesurées affleurent sous ses lèvres. La créature est morte, depuis longtemps morte. Sa chair est une écorce depuis longtemps rongée par les lichens. Enfin, son ombre, à lui dérobée par la sœur tisseuse lui a été rendue, réunie dans la mort. C’était elle Caillou. J’étais le pauvre veneur envoyé par Racine afin de dérober au Cerf Blanc son cœur. Un séide du Grand Forestier, le tire-sang au côté, vêtu de ses seules nippes. Dans sa tanière, patiemment sœur tisseuse voulait que je revienne, pour réunir en elle, l’ombre et la lumière en plus du cœur de Cerf Blanc.

1h19’40’’

à ce stade j’ai interrogé Valentin et Xavier sur l’intensité de la session. Elle convenait à tous les deux.

Une bougie a été étouffée lorsque Limbe a dévoré la sœur tisseuse.

Nous sommes toujours dans les forêts Limbiques.


Machefeuille voit Limbe fondre dans l’humus, perdre sa blancheur. Elle a reflué. La nuit gangrène une part de son corps. Puis la lumière l’illumine à nouveau. Sa peau est tendue à se rompre sur ses veines saillantes qui battent d’un sang frais. Et le relent de chairs corrompues dont l’origine s’égarait entre le buisson dissimulant la dépouille de l’inconnue et l’haleine de Limbe se confond désormais. Une large marque mordorée orne sa gueule. Son corps s’est étoffé. Comme si celui-ci avait fait provende des humeurs de l’immonde araignée. Comme si tout le pus avait pénétré, s’était répandu. Machefeuille jurerait avoir vu la frêle carcasse grandir dans sa gangue de boue et d’humus mêlés. Limbe a quitté son cocon de sanies, et se dresse maintenant sur deux pattes arquées et griffues. Deux autres pattes, toutes velues, saillent de part et d’autre de sa poitrine claire, et s’affinent en des griffes qui pulsent de la même clarté que sa bouche. Un essaim de ces mouches dorées dansent autour de son visage.




- « Limbe qu’advient-il de toi ? » Lui demande d’une voix vibrante Machefeuille.

Puis sur un ton plus condescendant : « Tu es méconnaissable ! »

- « Ce ne sont pas des mots pour la bouche d’un ami. »

Machefeuille lui répond en manipulant ostensiblement sa lourde lame. Sa main ne joue pas libre sur la garde, l’arme est lourde par trop grossière pour être la sienne.

- «Donne moi cette lame. Elle est faite pour moi », lui dit alors Limbe.

Machefeuille hésite. Le doute ronge la confiance qu’il avait placé en Limbe.

Cette arme a tué. C’est un tire-sang. Ce sont les armes qu’emploient les séides du Grand Veneur, ceux qui se ruent sur les forêts du Laurium. Ceux qui convoitent le royaume du Roi Nécromant.

Sous le sceau du danger la lame fut l’instrument qui lui permit de préserver leurs vies à tous deux. Alors, il était dans l’instant. Désormais, outre que cette la lame ne fut pas taillée à sa mesure, il en émane une aura malsaine.

- « Alors me la céderas-tu enfin ? »

C’est une arme de déchus, de maudits, propres à ces créatures qui hantent les bois ténébreux où s’est réfugié le pouvoir du Grand Forestier.

À regret, encore hésitant Machefeuille lui tend la lame. Je te fais confiance Limbe, dit encore Machefeuille très ému.

Limbe s’en empare vivement. Sa main entoure la poignée de cuir usé. La lame vibre en sa main une forme d’hommage. Ses poils se dressent sur sa nuque.

1h33’00’’

Limbe se tient sur un parapet. Autour, ce ne sont pas les brumes des forêts limbiques. Seulement les brumes de Laurium, le royaume du Roi Nécromant. Celui qui a nié la mort. Il a refusé la mort de son fils le prince Reuss et de sa fille Irina. Irina et Reuss furent arrachés au domaine des morts par leur père qui oser dire les mots de Chthon, des paroles impies. Et la misère s’est répandue sur le royaume de Laurium. Et Limbe est là afin de précipiter cette chute. Limbe a parcouru un long chemin dans le royaume, avec les autres veneurs, se glissant dans l’obscur des forêts, le long des sentes. Il ne sait pas comment il a pu échapper jusqu’alors aux dévoreurs. Ils le marquent. L’ennemie jurée de La Dame de Porcelaine, la belle maîtresse de l’Académie d’Orage, celle qui tire tous ses pouvoirs de l’Aïeule, la sorcière qui vit au fond des bois, Racine envoie ses dévoreurs. Ils dévorent tout ce qui est vivant et ne laissent que la carcasse où les graines semées par le vent répandent la forêt de la sorcière dans le domaine de Laurium. Cette lame fut prise à un dévoreur. Et il se tient là, devant lui. Il est là pour dévorer ses chairs et les livrer à la forêt.

Robuste, musclé il se tient courbé la bave coulant entre ses lèvres.




Limbe s’est emparé du cimeterre. Il est fasciné par sa facture. Une créature répugnante se tient tout près de lui, surgie des limbes. Contre son front iel porte la croix des angeverbes en berne coincée contre un andouiller répugnant qui lui déforme le visage. Conforme à son état le dévoreur est là pour éliminer tous les anges et tous les hommes. Iel ne porte que deux cors, il n’a donc dévoré que deux anges. Limbe ne semble pas percevoir sa présence, plongé dans ses ténébreuses pensées. La brute, d’au moins sept pieds de haut, le torse pareille à une barrique s’avance d’un pas décidé sur Machefeuille.

Instinctivement, l’ange hurle : « Retourne dans les SOMBRES !  Vile engeance !»



La conviction et la rage déforment les traits de l’ange. Une lumière vive accompagne le mot des anges et se répand sur la face de la créature qui grogne sa douleur et recule, tremblante et frissonnante. Une fumée grasse s’élève autour de la peau qui grésille comme celle du cochon mis en broche.


- « Je vais te manger ! Je vais te dévorer ! » grasseye le dévoreur.

Limbe lui porte un puissant coup de son cimeterre. La croix qui ornait son andouiller semble chassée de sa face. Son adversaire titube et Limbe s’en approche pour l’achever mais soudainement le dévoreur se redresse, sa gueule gargouille un ignoble rire tout contre lui.

Il beugle goulûment « je vais te dévorer ! »


La vile créature dégage une odeur écœurante de chair grillée, se rapproche, tire une lame mesquine dissimulée dans le corps de la croix. Il frappe de son arme mesquine la cuirasse de Machefeuille.


Limbe frappe le vide de ses deux griffes, et une lame perfide dissimulée dans le corps de la croix lui fouille le ventre. Ses entrailles se répandent sur le sol où gît maintenant le cimeterre.

- « Je vais dévorer tes entrailles » éructe la bête.

Machefeuille se précipite pour le ramasser mais une vive douleur lui perce la gorge.


1h55’05’’


Deux nouvelles bougies ont été étouffées lorsque Limbe et Machefeuille ont été dévorés.

L’affrontement se déroulait en Laurium pour Limbe et dans les limbes pour Machefeuille.

Deux nouvelles carcasses. Un ange déchu et un limbe sans yeux à la chevelure de lierre dotée d’une dentition encore plus avide de chairs.




Ils ont perdu dans la forêt des morts, dans la forêt des limbes un peu de leurs chairs.

Mais ils entendent toujours battre ces bons vieux cœurs.

Tous deux perçoivent l’odeur d’un feu.

Tout autour, les arbres sont dotés de tronc massifs. Les fourrés sont épais.

Le feu crépite.

Près du feu, un homme d’arme tisonne de la pointe de sa lame les quelques braises qu’il avait réservées pour préparer sa soupe.

C’est pas l’odeur de soupe qui domine leur sens, mais bien la douceur du feu noir.

L’homme semble indifférent à leur présence.

Il porte une vieille cotte de maille rapiécée, rouillée. Sa livrée est déchirée et souillée, ses bottes craquelées, sa large chapelle de fer toute bosselée.

Un ru chantonne timidement au loin. Mais ce qui domine c’est le crépitement du feu.

Il souffle sur les braises pour attiser le feu.

Puis il sort un coutelas et commence à graver distraitement le manche de sa courtille.



2h02’25’’


Fin du témoignage audio Rédemption


Un étrange échange s’engage avec Belomar le soldat. Un soldat revenu de tout et surtout de la mort qu’il ne craint pas, qu’il ne craint plus. Très attaché à sa terre, il entend la défendre des incursions des veneurs comme des dévoreurs. Les marques sur le manche de sa lame disent avec éloquence sa détermination. Les impressionnants stigmates de son corps tout autant La mort lui importe peu tant qu’il peut préserver la flamme primordiale et suivre les préceptes de l’Aïeule. Autour du feu, ils dissertent un moment, puis l’homme s’adosse plus confortablement au tronc et Machefeuille prend la garde. Pendant la nuit il s’éloigne quelque peu afin de récolter des sarments propre à entretenir le feu du vieux soldat et malgré sa détermination s’assoupit.




Commentaires :


Nous n’avons pas lors de cette session quitté les forêt limbiques, toutefois le royaume de Laurium a graduellement émergé de la fiction. La tonalité générale de la partie était âpre, la dimension horrifique affirmée. L’environnement était particulièrement déroutant. Les métamorphoses ou les morts subies par Limbe et dans une moindre mesure Machefeuille présentaient des défis d’interprétation des personnages.

L’affrontement avec le Dévoreur, comme souvenir de Limbe et péripétie dans les limbes, dans des temps dissociés, mais néanmoins simultanés relevait pleinement du vertige logique. Je tiens à cet égard à remercier tout particulièrement Xavier et Valentin pour leur implication sans faille.

La rencontre avec Belomar, et la discussion de fin de partie ont permis je pense d’aboutir sur les questions posées par la nature des deux marchebranches même si de nombreux aspects demeurent à explorer lors de la prochaine session.

Tous les deux ont appréciés.

Xavier a souligné qu’il retrouvait le Millevaux d’avant, joué avec Sève.




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